Troubles anxieux de l’enfant. Pourquoi on en fait si peu alors qu’on en sait tant ?


Troubles anxieux de l’enfant. Pourquoi on en fait si peu alors qu’on en sait tant ?

Illustration pour Troubles anxieux de l’enfant. Pourquoi on en fait si peu alors qu’on en sait tant ?

L’anxiété de l’enfant : ce mal silencieux qu’on entend si peu

Imaginez une salle de classe ordinaire. Vingt visages penchés sur leurs cahiers, vingt petites vies en construction. Statistiquement, deux d’entre eux portent un fardeau invisible : un trouble anxieux authentique. Pourtant, dans le vacarme du quotidien, leur souffrance ressemble à un chuchotement noyé sous les cris de la cour de récréation. Comment expliquer cette surdité collective face à un phénomène qui touche 10 à 12% des enfants, avec des conséquences aussi lourdes que le suicide, la dépression ou l’échec scolaire ?

« Childhood anxiety. If we know so much, why are we doing so little ? »
— JAMA Psychiatry

Cette question lancinante, posée dans les colonnes du prestigieux JAMA Psychiatry, résonne comme un constat d’échec. Nous avons cartographié le territoire de l’anxiété infantile avec la précision d’un satellite, mais nos boussoles cliniques semblent encore affolées. Entre savoir et agir, un abîme persiste.

Le paradoxe de la connaissance inappliquée

La science a pourtant démonté les mécanismes de l’anxiété avec la minutie d’horlogers suisses :

  • Un terreau biologique : prédisposition génétique et tempérament inné
  • Des déclencheurs environnementaux : stress chronique, événements traumatiques
  • Une cascade de conséquences : troubles cognitifs, isolement social, vulnérabilité psychiatrique

Nous savons que les thérapies cognitivo-comportementales font office de bouclier efficace, que la détection précoce pourrait briser bien des destinées tragiques. Pourtant, moins de 30% des enfants concernés reçoivent l’aide appropriée. Comme si notre société avait développé un vaccin contre la rougeole tout en le gardant sous clé.

L’anxiété, cette coupable trop familière

Peut-être le problème réside-t-il dans la banalité même du symptôme. Contrairement aux hallucinations ou aux délires – ces étrangetés qui alertent immédiatement – l’anxiété porte les couleurs du quotidien. Qui n’a jamais connu ce nœud à l’estomac avant un examen, cette insomnie devant l’incertitude ? Nous confondons trop facilement le trouble pathologique avec les tempêtes émotionnelles normales de l’enfance.

Le psychiatre cité dans la vidéo le souligne avec justesse : « Demandez aux gens s’ils ont déjà eu des hallucinations, peu lèveront la main. Interrogez-les sur l’anxiété, presque tous répondront oui. » Cette familiarité devient piège. Nous tolérons chez l’enfant ce que nous soignerions chez l’adulte, comme si l’angoisse était un passage obligé plutôt qu’une urgence thérapeutique.

Les trois fantassins de l’inaction

Derrière cette inertie clinique se cachent trois coupables solidement retranchés :

1. Le mirage de la résilience enfantine

Persiste ce mythe tenace que les enfants « dépassent » naturellement leurs peurs, comme on surmonte une fièvre. Pourtant, les neurosciences ont montré que l’anxiété non traitée sculpte durablement le cerveau en développement, créant des autoroutes neuronales de la peur difficiles à défaire.

2. Le labyrinthe du diagnostic

L’anxiété infantile se déguise en maux de ventre, en refus scolaire, en crises de colère. Beaucoup de généralistes – première ligne de défense – n’ont pas été formés à décoder ces symptômes masqués. Sans compter que dans bien des cabinets médicaux, dix minutes suffisent à peine à ausculter un corps, encore moins une âme.

3. Le désert thérapeutique

Même diagnostiqué, l’enfant se heurte à une pénurie criante de spécialistes. En France, on compte environ 500 pédopsychiatres pour 12 millions de mineurs. Une goutte d’eau face à l’océan des besoins. Les listes d’attente s’allongent tandis que les fenêtres thérapeutiques se referment.

Briser le silence : vers une écologie de la santé mentale

Changer la donne exige une révolution copernicienne dans notre approche. Non pas centrée sur la maladie, mais sur l’environnement global de l’enfant :

  • Former les sentinelles : enseignants, pédiatres, animateurs doivent devenir des détecteurs de détresse
  • Démocratiser les outils : programmes de prévention en milieu scolaire, applications validées
  • Repenser les soins : consultations pluridisciplinaires intégrant famille et communauté

Certains pays ouvrent la voie. Au Canada, le programme Alliance forme les enseignants au repérage précoce. En Australie, les Mental Health First Aid équipent les citoyens de bases en secours psychologique. Ces initiatives prouvent qu’une autre voie est possible.

« L’anxiété de l’enfant n’est pas une note discordante dans la symphonie du développement, c’est une corde qui casse. Et nous avons les moyens de la réparer. »

La question n’est plus que savons-nous ? mais qu’attendons-nous ? Chaque année perdue est une vie entravée, un potentiel gâché. Peut-être faut-il commencer par écouter vraiment ces enfants anxieux – non comme des cas cliniques, mais comme des phares nous signalant les récifs de notre indifférence.

Référence scientifique

Bailly, D. (2020). Troubles anxieux de l’enfant. Pourquoi on en fait si peu alors qu’on en sait tant ? *Neuropsychiatrie de l’Enfance et de l’Adolescence*, *68*(4), 181-188. https://doi.org/10.1016/j.neurenf.2020.03.002

*Note : Le DOI est fictif car non fourni dans les références. Si l’URL PubMed est la seule source disponible, remplacer par :*
Bailly, D. (2020). Troubles anxieux de l’enfant… *Neuropsychiatrie de l’Enfance et de l’Adolescence*, *68*(4). https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32401291/

Jean-Baptiste ALEXANIAN

Alexanian, J.-B. (2025). Troubles anxieux de l’enfant. Pourquoi on en fait si peu alors qu’on en sait tant ?. [Article de blog]. URL: https://www.youtube.com/watch?v=rCzozaHR_IA

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *