Pourquoi des médecins prescrivent de l’hydroxychloroquine alors qu’on ne sait pas si ça fonctionne ?


Pourquoi des médecins prescrivent de l’hydroxychloroquine alors qu’on ne sait pas si ça fonctionne ?

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L’hydroxychloroquine et le paradoxe de la médecine en temps de crise

La pandémie de COVID-19 aura été le théâtre d’une étrange valse médicale, où traitements et espoirs se sont entrelacés dans un tourbillon d’incertitudes. Parmi les molécules controversées, l’hydroxychloroquine (HCQ) occupe une place singulière : prescrite massivement dans certains hôpitaux suisses malgré l’absence de preuves solides, elle incarne le dilemme moderne entre rigueur scientifique et pragmatisme clinique. Comme un médecin naviguant à vue entre récifs et tempête, la profession médicale a dû composer avec ce paradoxe : que faire quand l’évidence tarde à venir, mais que les malades, eux, affluent ?

Entre l’espoir in vitro et le doute clinique

L’histoire commence comme un conte scientifique prometteur. In vitro, l’hydroxychloroquine – ce vieux remède contre le paludisme – montre des propriétés intrigantes : elle pourrait perturber l’entrée du virus dans les cellules, tel un leurre moléculaire. Les premières études, fragiles mais enthousiastes, allument des contre-feux dans la nuit pandémique. À Genève, comme ailleurs, des médecins saisissent cette perche tendue. « En médecine, confie un interniste, on navigue souvent entre deux eaux : celle des certitudes établies et celle des intuitions cliniques. »

Pourtant, les essais cliniques ultérieurs dessinent un paysage plus contrasté. Les méta-analyses – ces vigies de la science – peinent à déceler un bénéfice significatif. Les échantillons sont trop petits, les protocoles trop hétérogènes, comme si chaque étude parlait une langue différente. L’HCQ devient alors un miroir grossissant des failles méthodologiques : comment trancher quand les données ressemblent à un puzzle aux pièces disparates ?

Le poids du contexte : urgence, pression et pragmatisme

Dans les couloirs des hôpitaux universitaires suisses, un phénomène intrigant se produit : près d’un patient sur deux reçoit de l’HCQ, alors même que les revues internes soulignent la faiblesse des preuves. Cette apparente contradiction s’éclaire lorsqu’on observe la médecine comme un art contextuel. « Être pragmatique, explique un chef de service, c’est adapter sa boussole à la tempête. »

  • L’urgence comme accélérateur : Face à des services saturés, l’attentisme scientifique peut sembler un luxe.
  • La balance bénéfices/risques : Connue pour d’autres indications, l’HCQ présente un profil d’effets secondaires maîtrisé.
  • L’effet miroir des attentes : Patients et soignants, assoiffés d’armes thérapeutiques, créent une dynamique de prescription.

« La médecine fondée sur les preuves ne signifie pas attendre des preuves absolues pour agir, mais agir avec les meilleures preuves disponibles. »

Les leçons d’une controverse

L’épisode de l’hydroxychloroquine révèle les tensions profondes de la médecine contemporaine. Comme un palimpseste, il superpose plusieurs couches de lecture : scientifique bien sûr, mais aussi psychologique, sociale et même philosophique. La pandémie aura mis à nu notre rapport complexe à l’incertitude – cette compagne indésirable mais inévitable de la pratique médicale.

Peut-être faut-il voir dans ces prescriptions suisses non pas un rejet de la science, mais l’expression d’une médecine des marges, celle qui opère lorsque les algorithmes décisionnels restent muets. Une médecine qui, à défaut de certitudes, choisit parfois d’écouter son intuition clinique, ce murmure ancestral que les statistiques ne savent pas encore quantifier.

Conclusion : naviguer dans le brouillard

L’histoire de l’hydroxychloroquine ressemble à ces cartes médiévales où les zones inconnues portent la mention hic sunt dracones – ici sont les dragons. Elle nous rappelle que la médecine avance parfois à l’estime, surtout lorsque souffle le vent de la crise. Reste que ces prescriptions, si compréhensibles soient-elles, soulèvent une question essentielle : comment mieux préparer nos systèmes de santé à ces moments où la science doit courir après la maladie ? Peut-être en cultivant, justement, cet équilibre délicat entre scepticisme méthodique et audace pragmatique – entre la rigueur du laboratoire et l’urgence du chevet.

Car après tout, comme l’écrivait le médecin William Osler : « La médecine est une science d’incertitude et un art de probabilité. » L’hydroxychloroquine, dans son étrange trajectoire, en aura été la démonstration aussi troublante qu’édifiante.

Référence scientifique

INESSS. (2020). *Utilisation de la chloroquine dans le traitement de la COVID-19 : Revue rapide des données*. Institut national d’excellence en santé et en services sociaux. https://www.inesss.qc.ca/fileadmin/doc/INESSS/COVID-19/Chloroquine_final.pdf

*Note : La référence des HUG n’a pas pu être formatée en APA7 car les éléments requis (auteurs individuels, année de publication précise) manquent dans le document. L’INESSS, en tant qu’organisme auteur, est priorisé ici.*

Jean-Baptiste ALEXANIAN

Alexanian, J.-B. (2025). Pourquoi des médecins prescrivent de l’hydroxychloroquine alors qu’on ne sait pas si ça fonctionne ?. [Article de blog]. URL: https://www.youtube.com/watch?v=XPoUh1Ytv4I

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