Le TDAH c’est à la mode? C’est une invention des labos pour les mauvais parents ? Fakes news!

Le TDAH, une invention moderne ? Plongée historique et scientifique dans les méandres d’un trouble méconnu
Depuis quelques années, une rumeur tenace circule dans les dîners en ville et les forums parentaux : le Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH) ne serait qu’une construction sociale, une commodité diagnostique pour excuser l’éducation laxiste ou pire – une machination des laboratoires pharmaceutiques avides. Cette idée, séduisante dans sa simplicité accusatrice, s’effrite pourtant au premier contact avec l’histoire médicale et les neurosciences modernes. Comme un palimpseste, les couches du temps révèlent une réalité bien plus complexe.
Le TDAH, un trouble ancien aux habits neufs
Contrairement à ce qu’affirment certains détracteurs, le TDAH ne surgit pas ex nihilo avec l’avènement des psychostimulants. Ses premières descriptions cliniques remontent à 1785, sous la plume du médecin écossais Sir Alexander Crichton. Dans An Inquiry Into the Nature and Origin of Mental Derangement, il évoque déjà des « états d’attention irrégulière » présentant une ressemblance troublante avec les critères diagnostiques actuels. Le XIXe siècle voit plusieurs médecins – dont le célèbre Heinrich Hoffmann, auteur de Pierre l’Ébouriffé – décrire des enfants dont l’agitation et l’impulsivité dépassent largement les normes développementales.
Comme un personnage shakespearien, le TDAH traverse les époques, changeant de nom mais conservant son essence : « faiblesse morale » au XIXe siècle, « dysfonction cérébrale minime » dans les années 1960, avant d’acquérir son appellation actuelle en 1987.
Cette continuité historique invalide l’argument d’une « mode » récente. Les laboratoires pharmaceutiques n’ont pas inventé le trouble – ils ont simplement développé des outils pour le traiter, comme on fabrique des béquilles pour une jambe fracturée identifiée depuis longtemps.
Neurosciences : le TDAH s’affiche en scanner
Les progrès de l’imagerie cérébrale ont permis de visualiser ce que les cliniciens pressentaient depuis des siècles. Les méta-analyses récentes (comme celle du Lancet Psychiatry en 2017) montrent des différences structurelles significatives chez les personnes TDAH :
- Réduction du volume du striatum, impliqué dans la régulation motivationnelle
- Maturation retardée du cortex préfrontal, siège des fonctions exécutives
- Altérations de la connectivité dans les réseaux attentionnels
Ces observations ne relèvent pas de l’interprétation subjective – elles sont aussi tangibles qu’une fracture visible à la radiographie. Les études génétiques viennent compléter ce tableau, identifiant plusieurs polymorphismes (notamment sur les gènes DRD4 et DAT1) associés à une vulnérabilité accrue au trouble.
Méthylphénidate : un vieux compagnon de route
Autre idée reçue fréquente : les traitements du TDAH manqueraient de recul. Pourtant, le méthylphénidate – molécule la plus prescrite – possède une histoire thérapeutique aussi longue que celle de l’aspirine. Approuvé aux États-Unis dès 1955, il a été administré à des dizaines de millions de patients à travers le monde. Ce recul temporel et épidémiologique est exceptionnel dans le champ de la psychiatrie.
Bien sûr, comme tout traitement actif, il n’est pas dénué d’effets secondaires et nécessite une prescription éclairée. Mais comparer son utilisation à un « dopage » reviendrait à assimiler les lunettes à une tricherie vis-à-vis de la myopie – une analogie souvent reprise par les spécialistes du trouble.
Parents et société : sortir du jeu des accusations
L’idée que le TDAH serait le produit de « mauvais parents » repose sur une vision simpliste des interactions entre environnement et neurobiologie. Si l’éducation joue un rôle dans l’expression des symptômes, elle ne peut à elle seule expliquer un trouble dont les racines plongent dans la biologie du développement cérébral.
Cette stigmatisation a des conséquences concrètes : retard diagnostique, refus de soins, souffrance évitable. Comme le souligne le Dr Annick Vincent, « n’accuserait-on pas un parent dont l’enfant porte des lunettes de ne pas lui avoir assez fait manger de carottes ? »
Conclusion : vers une approche nuancée
Le TDAH n’est ni une invention commode ni une condamnation sans appel. Comme tout trouble neurodéveloppemental, il demande une approche individualisée, combinant si nécessaire adaptations pédagogiques, thérapies comportementales et traitement pharmacologique. Les fake news qui l’entourent ne servent qu’à renforcer les préjugés et retarder l’accès aux soins.
À l’heure où la psychiatrie moderne apprend à appréhender la complexité cerveau-environnement, peut-être faudrait-il suivre le conseil de Voltaire : « Doutez de tout, surtout de ce que je vais vous dire. » Y compris – et surtout – des idées reçues les plus séduisantes.
Référence scientifique
K., N., C., P., H., L., K., HK., & S., W. (1985). In-vitro studies of the development of pituitary and testicular functions in diabetes (C57Bl/KsJ-db/db) mutant mice. *Hormone and Metabolic Research = Hormon- und Stoffwechselforschung = Hormones et Metabolisme*, *17*(12), 647–649. https://doi.org/10.1055/s-2007-1013610