Faire la différence entre un Trouble Bipolaire et un TDAH.

Bipolaire ou TDAH : démêler le fil des diagnostics
Imaginez deux rivières qui se croisent en formant des remous identiques à la surface. Vue de loin, leur écume se ressemble. Pourtant, l’une charrie les sédiments d’une histoire ancienne, l’autre les caprices des saisons. Le trouble bipolaire et le TDAH sont ces deux cours d’eau psychiques – souvent confondus, radicalement distincts. Comment distinguer l’orage passager de la marée permanente ?
L’énigme des symptômes jumeaux
En consultation, certains signes semblent parler la même langue : l’impulsivité qui fait sauter les barrières, l’agitation mentale comme un essaim d’abeilles, ces pensées qui zigzaguent sans filet. Pourtant, leur grammaire intime diffère. « La confusion vient de ce que le DSM présente ces troubles côte à côte, comme un herbier où toutes les fleurs seraient pressées de la même manière », note un clinicien.
« Le TDAH, c’est une mélodie qui joue en boucle depuis l’enfance. Le trouble bipolaire ? Une symphonie avec des mouvements contrastés. »
L’étude de E.K. (2013) révèle que 20% des bipolaires portent aussi le TDAH – un duo explosif où chaque trouble amplifie l’autre. Comme si le cerveau devait naviguer entre les récifs de l’instabilité et les courants de la distraction.
La machine à remonter le temps
L’anamnèse devient alors une lampe torche dans le brouillard. Trois indices trahissent l’origine des symptômes :
- L’âge des premiers signes : Le TDAH tambourine à la porte dès la maternelle. Le trouble bipolaire, lui, frappe rarement avant l’adolescence.
- La constance ou l’alternance : Un TDAH ne prend jamais de vacances. Le bipolaire vit au rythme de ses phases – comme un arbre entre bourgeons et feuilles mortes.
- Le sommeil : L’insomnie du maniaque est une fête forcée. Celle du TDAH ? Un moteur qui refuse de caler.
B.M.J. (2014) insiste sur ces marqueurs temporels : « Un patient qui décrit des épisodes de productivité fébrile entrecoupés de effondrements répond à une autre logique que celui dont les oublis jalonnent toute sa biographie. »
Les pièges du miroir clinique
Certaines journées, tout se mélange. Un bipolaire en phase hypomaniaque peut ressembler à s’y méprendre à un TDAH dopaminergique. Mais creusons :
L’hyperfocus du TDAH est une loupe qui brûle par intermittence – l’esprit se cramponne à un détail au détriment du reste. La fuite des idées du maniaque, elle, est un feu d’artifice sans fil conducteur.
Quant à l’impulsivité, elle n’a pas la même saveur. Celle du TDAH est une porte qui claque avant qu’on ait fini la phrase. Celle du bipolaire ? Un tsunami qui emporte digues et raison.
L’art délicat du diagnostic différentiel
Les spécialistes auscultent donc la durée, le contexte, l’évolution. Ils traquent ce détail qui fait basculer l’interprétation :
- Un carnet scolaire truffé de remarques sur l’inattention ? Piste TDAH.
- Des périodes mystérieuses où le patient dormait 3 heures par nuit en écrivant un roman ? Suspect bipolaire.
Comme le résume un psychiatre : « On ne soigne pas un orage comme on traite une mousson. Même si les deux mouillent le même pardessus. » Les antidépresseurs, par exemple, peuvent attiser les flammes bipolaires alors qu’ils sont parfois utiles dans le TDAH comorbide.
Conclusion : Sous le symptôme, l’histoire
Distinguer ces deux troubles relève moins de l’enquête policière que de l’archéologie. Il s’agit de déplier les couches du temps, d’écouter les témoignages familiaux, de repérer les motifs cachés dans la tapisserie des comportements.
Car derrière chaque diagnostic se cache une vérité simple : le cerveau humain n’est ni un manuel ni une équation. C’est une forêt où poussent parfois plusieurs essences – et le clinicien doit apprendre à reconnaître chaque arbre sans se perdre dans les bois.
Référence scientifique
– E, K., N, K., A, D., O, S., N, A., MA, K., & L, A. (2013). The comorbidity of adult attention-deficit/hyperactivity disorder in bipolar disorder patients. *Comprehensive Psychiatry, 54*(5), 549-555. https://doi.org/10.1016/j.comppsych.2012.11.005
– MJ, B., MV, S., & JF, G. (2014). Adult ADHD vs. bipolar disorder in the DSM-5 era: a challenging differentiation for clinicians. *Journal of Psychiatric Practice, 20*(6), 428-437. https://doi.org/10.1097/01.pra.0000456591.20622.9e