ÉNORME ! Pourquoi les personnes délirantes n’arrivent pas à se débarrasser de leurs croyances !


ÉNORME ! Pourquoi les personnes délirantes n’arrivent pas à se débarrasser de leurs croyances !

Illustration pour ÉNORME ! Pourquoi les personnes délirantes n’arrivent pas à se débarrasser de leurs croyances !

L’énigme des certitudes inébranlables : pourquoi nos croyances résistent-elles à la raison ?

Il est une étrange persistance des idées qui défie la logique. Ces convictions ancrées comme des chênes dans l’esprit, ces certitudes qui survivent aux tempêtes des preuves contraires – nous en avons tous croisé, chez autrui ou en nous-mêmes. Mais lorsque cette rigidité cognitive devient délirante, elle ouvre une fenêtre fascinante sur les mécanismes intimes de la pensée humaine. Comment expliquer que certaines croyances, pourtant manifestement erronées, résistent avec une telle ténacité aux assauts de la réalité ?

Le cerveau, un infatigable statisticien

Notre esprit fonctionne comme un détective bayésien obstiné, recueillant des indices pour affiner sans cesse ses hypothèses sur le monde. Prenons un exemple simple : un enfant apprend qu’un certain objet s’appelle « stylo ». Ce mot pourrait désigner le geste, la couleur, la texture – mille interprétations sont possibles. Mais à force d’entendre « passe-moi le stylo » dans divers contextes, son cerveau isole progressivement l’objet commun à toutes ces situations. Une probabilité se cristallise en certitude.

« Le cerveau humain est une machine à inférer, tissant des liens entre des données incomplètes pour construire une représentation cohérente du réel – même lorsque cette cohérence est illusoire. »

Cette mécanique devient particulièrement visible dans les situations ambiguës. Imaginez vous réveiller la nuit et sentir une présence chaude et poilue à côté de vous. Votre esprit évalue aussitôt les hypothèses : un intrus ? Votre chien ? La première interprétation s’appuie sur une croyance initiale (vous dormez habituellement avec votre animal), que les sensations tactiles viennent confirmer ou infirmer. Chez la plupart d’entre nous, ce système de pondération des preuves fonctionne avec souplesse. Mais parfois, les rouages se grippent.

Quand les circuits de la certitude s’emballent

L’étude révolutionnaire de Greenman et al. (2020) jette une lumière neuve sur ce phénomène. En scrutant le cerveau de patients schizophrènes grâce à l’IRMf, les chercheurs ont découvert une hyperconnectivité entre deux régions clés :

  • Le cortex pariétal, intégrateur d’informations sensorielles
  • Le cortex préfrontal, régulateur des croyances et jugements

Cette connexion exacerbée formerait comme un pont trop fréquenté entre perception et interprétation. Les données sensorielles seraient immédiatement « colonisées » par des schémas préexistants, sans la distance critique nécessaire. Imaginez un juge qui serait aussi l’avocat de l’accusé – le verdict précéderait alors le procès.

La génétique de la conviction

Plus troublant encore : cette configuration neuronale serait en partie inscrite dans nos gènes. Les sujets présentant un risque génétique élevé de schizophrénie montrent cette hyperconnectivité même avant l’apparition des symptômes. Comme si le cerveau était prédisposé à préférer ses propres constructions mentales aux évidences extérieures.

L’illusion plus vraie que le réel

Dans ce système en boucle fermée, chaque nouvelle information est filtrée à travers le prisme des croyances existantes. Une preuve contradictoire ? Elle sera rejetée comme un corps étranger. Une coïncidence anodine ? Elle deviendra une confirmation éclatante. Le réel perd son pouvoir de correction, comme ces miroirs déformants qui renvoient toujours la même image, quelle que soit la silhouette qui s’y reflète.

Cette rigidité cognitive explique pourquoi les arguments rationnels échouent souvent face aux délires. Ce n’est pas que la personne « ne veut pas » changer d’avis – son cerveau a littéralement perdu la capacité de recalculer les probabilités. Les connexions neuronales qui permettent normalement de réviser nos croyances sont comme gelées dans une position fixe.

Vers une cartographie des certitudes

Les implications de ces découvertes sont profondes. Elles suggèrent que les délires ne sont pas simplement des « erreurs » de pensée, mais le résultat d’une réorganisation fondamentale des circuits cérébraux. Comprendre ces mécanismes ouvre des pistes prometteuses :

  • Développer des thérapies ciblant spécifiquement ces connexions neuronales
  • Mieux dépister les risques chez les personnes génétiquement prédisposées
  • Repenser notre approche des croyances extrêmes, au-delà du simple jugement moral

Au-delà de la pathologie, cette recherche nous rappelle une vérité troublante : nous sommes tous, à des degrés divers, prisonniers de nos schémas mentaux. La frontière entre conviction raisonnée et délire obstiné est peut-être moins une ligne de démarcation qu’un continuum où chacun de nous se situe, selon les circonstances et les sujets. Finalement, l’étude des certitudes inébranlables nous en apprend autant sur la folie que sur cette étrange capacité humaine à croire – parfois contre toute évidence.

Référence scientifique

Greenman, D., La, M., Shah, S., Chen, Q., Berman, K., Weinberger, D., & Tan, H. (2020). Parietal-Prefrontal feedforward connectivity in association with schizophrenia genetic risk and delusions. *American Journal of Psychiatry, 177*(12), 1156–1165. https://doi.org/10.1176/appi.ajp.2020.19111176

Jean-Baptiste ALEXANIAN

Alexanian, J.-B. (2025). ÉNORME ! Pourquoi les personnes délirantes n’arrivent pas à se débarrasser de leurs croyances !. [Article de blog]. URL: https://www.youtube.com/watch?v=eLPwbhpSLog

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