Diagnostic de TSA Autisme. Catégoriel VS dimensionnel. La psychiatrie change de regard.


Diagnostic de TSA Autisme. Catégoriel VS dimensionnel. La psychiatrie change de regard.

Illustration pour Diagnostic de TSA Autisme. Catégoriel VS dimensionnel. La psychiatrie change de regard.

L’autisme à la croisée des regards : quand la psychiatrie réinvente ses lunettes

Imaginez un botaniste tentant de classer la flore tropicale avec pour seul outil une boîte de crayons de couleur. Voilà le dilemme auquel se confronte la psychiatrie contemporaine face au trouble du spectre autistique (TSA). Depuis des décennies, nous avons découpé la réalité psychique en cases bien nettes – celles du DSM et de la CIM – comme on trierait des livres par couverture plutôt que par contenu. Mais une révolution silencieuse est en marche, portée par les neurosciences et une clinique plus humble : et si l’autisme était moins une île qu’un archipel ?

Le crépuscule des catégories rigides

Le DSM-5, cette bible diagnostique, fonctionne comme un tamis aux mailles standardisées : soit on passe à travers (diagnostic positif), soit on reste coincé dans le refus (absence de diagnostic). Pour le TSA, cela se traduit par une liste de symptômes – difficultés sociales, comportements répétitifs, particularités sensorielles – qu’il faut cocher comme sur une checklist d’hôtel.

« Prenez deux personnes avec le même diagnostic de TSA : l’une sera hypersensible aux bruits mais habile en communication, l’autre cherchera désespérément le contact tout en étant indifférente à la douleur. Que partagent-elles vraiment, sinon un nom de diagnostic ? »

Cette approche catégorielle montre ses limites comme une vieille carte géographique incapable de rendre compte des nuances du terrain. En clinique, les praticiens le savent bien : ils prescrivent des antipsychotiques pour des hallucinations, qu’elles surviennent dans une schizophrénie, un trouble bipolaire ou une dépression sévère. Le traitement suit la dimension symptomatique, non l’étiquette diagnostique.

L’aube des dimensions : une révolution neurobiologique

Les récentes études en imagerie cérébrale, comme celle publiée dans Biological Psychiatry, dessinent une autre cartographie. En observant non plus les symptômes mais les circuits neuronaux, les chercheurs découvrent :

  • Des profils de connectivité cérébrale aussi uniques que des empreintes digitales
  • Des continums d’activation qui traversent les diagnostics officiels
  • Des sous-types neurobiologiques invisibles aux classifications actuelles

Prenons une métaphore musicale : l’approche catégorielle classe les instruments par famille (vents, cordes…), tandis que la vision dimensionnelle écouterait leur fréquence dominante, leur timbre, leur amplitude – permettant des combinaisons infiniment plus nuancées.

Le casse-tête clinique : soigner des personnes, pas des diagnostics

Dans le cabinet du praticien, cette évolution change tout. Comment aider Marc, 35 ans, dont l’hypersensibilité sensorielle paralyse sa vie professionnelle, sans étouffer ses extraordinaires capacités d’analyse ? Comment soutenir Emma, 8 ans, qui alterne entre quête désespérée de contact et repli glacé, sans la forcer dans un moule thérapeutique inadapté ?

Les pistes émergent lentement :

  • Des interventions ciblant des dimensions spécifiques (régulation sensorielle, flexibilité cognitive…)
  • Des approches personnalisées basées sur des biomarqueurs objectifs
  • Une alliance thérapeutique recentrée sur le vécu plutôt que sur le diagnostic

Demain, une psychiatrie aux frontières floues ?

Ce changement de paradigme ne va pas sans secousses. Il remet en question nos certitudes, nos manuels, nos formations. Certains y voient un risque de « tout-va-bien » diagnostique, d’autres une libération enfin scientifique de la complexité humaine.

Comme le souligne un clinicien : « Nous passons d’une psychiatrie des cases à une psychiatrie des paysages. Le défi est désormais de naviguer dans ces territoires mouvants sans boussole prédéfinie. »

Peut-être l’autisme nous enseigne-t-il enfin cette leçon fondamentale : que la norme n’est qu’un point de vue, et la diversité, non pas un écart à corriger, mais une richesse à comprendre. À l’image de ces enfants qui, selon la lumière du jour, nous apparaissent tantôt « atteints », tantôt « exceptionnels », sans que leur être profond n’ait changé.

Épilogue : vers une psychiatrie des nuances

Il se pourrait que dans vingt ans, nous regardions nos classifications actuelles avec le même étonnement rétrospectif qu’envers les vieilles cartes médiévales où les dragons peuplaient les confins du monde connu. La révolution dimensionnelle en psychiatrie n’est pas qu’un progrès scientifique – c’est un changement de regard sur ce qui fait notre humanité commune dans nos différences singulières.

Entre les cases rigides d’hier et le spectre infini de demain, une voie se trace : celle d’une clinique assez humble pour reconnaître qu’elle ne sait pas encore, assez curieuse pour continuer à chercher, et assez humaine pour ne jamais réduire une personne à son diagnostic.

Référence scientifique

Zabihi, M., Oldehinkel, M., Wolfers, T., Frouin, V., Goyard, D., Loth, E., Charman, T., Tillmann, J., Ecker, C., Dell’Acqua, F., Banaschewski, T., Moessnang, C., Baron-Cohen, S., Holt, R., Durston, S., Murphy, D., Buitelaar, J. K., Beckmann, C. F., & Floris, D. L. (2020). Reconciling dimensional and categorical models of autism heterogeneity: A brain connectomics and behavioral study. *Molecular Psychiatry*, *25*(3), 704–718. https://doi.org/10.1038/s41380-019-0570-4

Jean-Baptiste ALEXANIAN

Alexanian, J.-B. (2025). Diagnostic de TSA Autisme. Catégoriel VS dimensionnel. La psychiatrie change de regard.. [Article de blog]. URL: https://www.youtube.com/watch?v=MeYazf1Bi9Q

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