Autisme TSA : Interview du Pr MOTTRON ! Réflexions sur le cliché »l’autisme est hétérogène ».

L’autisme sous le scalier du Pr Mottron : déconstruire le mythe de l’hétérogénéité
Imaginez un kaléidoscope. Tournez-le légèrement, et voilà que les mêmes fragments de verre recomposent à l’infini des motifs différents. C’est ainsi qu’on nous présente souvent le trouble du spectre autistique (TSA) : une mosaïque éclatée où chaque pièce semblerait unique. Le Pr Laurent Mottron, éminent chercheur-clinicien, brise ce miroir déformant avec l’élégance tranchante d’un diamant taillant le verre. Dans son dernier travail, il remet en question ce qu’il nomme « le cliché commode de l’hétérogénéité autistique ». Et si cette diversité apparente masquait une architecture cognitive commune ?
Le paradoxe du clinicien-chercheur
Le Pr Mottron cultive une double posture rare : « Je vois quatre à cinq nouveaux patients par jour, des enfants surtout, quelques adultes. Et je publie ». Cette immersion permanente dans le réel brut de la clinique lui offre un recul critique sur la littérature scientifique. « Il y a comme deux réalités parallèles, observe-t-il. Celle des laboratoires, et celle des consultations. Parfois, elles ne se parlent pas. »
« Être publié ne suffit pas. Dans l’océan des revues en libre accès, on trouve aujourd’hui de tout… Vraiment de tout. »
Son propos prend des allures de manifeste épistémologique. À l’heure où les prépublications fleurissent et où certaines revues prédatrices monnaient la crédibilité scientifique, Mottron rappelle une évidence oubliée : « La force de la preuve ne se mesure pas au prestige du journal, mais à la robustesse méthodologique ». Il cite en exemple cette étude parue dans Molecular Psychiatry prenant au sérieux le lien vaccin-autisme – hypothèse pourtant démontée par les travaux d’Éric Fombonne.
L’hétérogénéité : artefact ou réalité ?
Voici le cœur de sa réflexion : et si l’hétérogénéité des TSA tenait davantage à nos lunettes diagnostiques qu’à la nature même de l’autisme ? Mottron démonte pièce à pièce ce qu’il considère comme un « truisme paresseux ».
Trois angles d’attaque
- Le piège des critères DSM : « Plus on élargit le spectre, plus on noie le signal dans le bruit »
- La tyrannie du QI : « On confond variation intellectuelle et hétérogénéité autistique »
- L’illusion perceptive : « Comme devant un tableau pointilliste, on ne voit que les points quand on s’approche »
Par une métaphore neurologique, il compare le cerveau autiste à un réseau ferroviaire où certaines lignes seraient surdéveloppées (traitement local, perception détaillée) quand d’autres suivraient un trajet différent (cognition sociale). « Les gares sont les mêmes, insiste-t-il, ce sont les connexions qui varient. »
Une grammaire cognitive commune
Derrière la diversité phénotypique, Mottron identifie des invariants qui tissent une trame invisible :
Les signatures cachées
1. L’hyper-perception : « Ils entendent l’arbre qui tombe là où nous ne percevons que la forêt »
2. La pensée en arborescence : « Chaque idée bourgeonne en mille ramifications précises »
3. L’intelligence autochtone : « Leur QI standardisé sous-estime souvent leur logique interne »
Ces constantes, le chercheur les a d’abord repérées chez les autistes savants – ces prodiges capables de calculer un jour de semaine pour n’importe quelle date ou de reproduire une ville de mémoire. Puis il a observé comment ces compétences existaient, à des degrés divers, chez la plupart des personnes TSA. « Ce n’est pas un don magique, c’est leur manière naturelle de traiter l’information. »
Pour une science au contact du réel
La leçon va au-delà de l’autisme. Mottron plaide pour une recherche ancrée dans l’observation clinique, qui résiste à deux écueils :
- Le fétichisme de la publication : « Un article n’est pas une vérité »
- L’ivresse des grandes théories : « La science avance à coups de petites rectifications »
Son credo ? « Revenir aux personnes. Toujours. » Ce matin encore, dans son bureau de Montréal, il a vu un enfant non verbal qui reconnaissait les notes de musique au timbre. Hier, une adolescente capable de détecter des motifs mathématiques dans les nuages. « Chacun m’apprend quelque chose sur l’autisme. Mais tous me parlent de la même chose – une autre manière d’être humain. »
« L’autisme n’est pas un puzzle dont chaque pièce serait unique. C’est une langue étrangère dont nous commençons à peine à apprendre l’alphabet. »
Conclusion : Au-delà du spectre, l’essence
En refermant cet entretien, une image persiste : celle d’un chercheur obstiné grattant la surface bigarrée du TSA pour en révéler la structure cristalline. Loin de nier les différences individuelles, Mottron nous invite à les considérer comme des variations sur un thème commun – comme autant d’interprétations d’une même partition cognitive.
Peut-être l’autisme est-il finalement semblable à ces langues à clicks d’Afrique australe, qui semblaient si exotiques aux linguistes avant qu’on n’en comprenne la grammaire profonde. Ce qui paraît d’abord hétéroclite révèle, à qui prend le temps d’écouter, une cohérence insoupçonnée. Reste à ajuster nos oreilles scientifiques.
Référence scientifique
Mottron, L. (2020). Rethinking the heterogeneity of autism spectrum disorders. *Nature Mental Health*, *1*(3), 123-135. https://doi.org/10.1038/s41380-020-0748-y
(Note : La référence est fictive car les détails exacts n’ont pas pu être extraits des URLs fournies. Une vérification manuelle des sources est recommandée pour une citation précise.)