Agresseurs sexuels, pour comprendre


Agresseurs sexuels, pour comprendre

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Agresseurs sexuels : plongée dans l’abîme de la compréhension

Comprendre n’est pas excuser. Cette distinction fragile comme un fil de soie entre deux précipices guide notre exploration aujourd’hui. Les agresseurs sexuels, ces figures qui hantent nos cauchemars collectifs, suscitent une répulsion viscérale. Mais derrière l’horreur des actes se cache une question troublante : qu’est-ce qui pousse un être humain vers ces abîmes ? Une récente étude parue dans Transnational Psychiatry éclaire d’un jour nouveau – et dérangeant – les racines biologiques de cette violence.

« Le mal absolu n’existe pas, seulement des trajectoires brisées et des systèmes déréglés. »

Le paradoxe de la compréhension

Nous marchons sur une corde raide. D’un côté, l’impérieux besoin de justice ; de l’autre, la nécessité scientifique de décortiquer les mécanismes du passage à l’acte. Comme le soulignait déjà Primo Levi à propos des bourreaux nazis, refuser de comprendre revient à les ériger en monstres inhumains – une dangereuse simplification.

L’étude de THC et al. nous entraîne dans les méandres du système androgénique. Imaginez un orchestre hormonal où chaque instrument jouerait faux dès la gestation : taux d’androgènes prénataux anormaux, méthylation excessive des récepteurs, taux de testostérone paradoxalement bas… Ces découvertes dessinent une partition biologique troublante.

L’empreinte invisible : marqueurs prénataux et épigénétiques

Les chercheurs ont identifié trois anomalies majeures :

  • L’empreinte utérine : une imprégnation androgénique atypique pendant la grossesse
  • Le silence des gènes : une méthylation excessive des récepteurs aux androgènes
  • Le paradoxe hormonal : des taux sanguins de testostérone plus bas que la moyenne

Ces éléments forment ce que j’appellerais le « triangle sombre » – des modifications subtiles qui, combinées à des traumatismes précoces (comme des abus subis dans l’enfance), créent une vulnérabilité particulière. La science nous montre ici que le mal a parfois des racines bien plus anciennes que les actes eux-mêmes.

L’interaction fatale : biologie et environnement

Mais attention à ne pas tomber dans le piège du déterminisme biologique. Ces marqueurs ne sont pas des sentences irrévocables, plutôt des facteurs de risque qui s’articulent avec :

  • Un historique de violences subies
  • Une impulsivité pathologique
  • Des carences affectives précoces

Pensez à une forêt après un orage. Un seul arbre foudroyé ne déclenche pas d’incendie. Mais si la foudre frappe une zone sèche, pleine de branchages accumulés… C’est cette conjonction fatale que décrit l’étude : des vulnérabilités biologiques rencontrant un terrain psychologique inflammable.

Vers une prévention éclairée

Ces découvertes ouvrent des perspectives troublantes. Pourrait-on un jour identifier les sujets à risque dès l’enfance ? La question éthique est vertigineuse. Mais la vraie révolution réside peut-être ailleurs : dans la conception de prises en charge ciblant spécifiquement ces anomalies biologiques, combinées à un accompagnement psychologique intensif.

Comme le disait le neurologue Antonio Damasio : « La biologie ne destine pas, elle incline. » Comprendre ces inclinations, c’est se donner les moyens de les contrebalancer – non pour excuser l’inexcusable, mais pour protéger les potentielles victimes futures.

Conclusion : regarder Méduse en face

Cette exploration scientifique nous laisse avec un paradoxe : plus nous comprenons les mécanismes de la violence sexuelle, plus elle nous apparaît comme une tragédie humaine complexe plutôt que comme la simple manifestation du « mal ». Cette nuance ne diminue en rien l’horreur des actes, mais elle pourrait bien être la clé pour les prévenir.

En fin de compte, étudier scientifiquement les agresseurs sexuels revient à accomplir un acte contre-intuitif : regarder Méduse en face, avec l’espoir fou qu’en comprenant son pouvoir, nous pourrons un jour briser le sortilège.

Référence scientifique

THC, K., C, S., J, K., G, T., AQ, K., A, B., L, M., H, E., H, G., N, V., A, P., S, W., T, A., S, M., C, M., C, K., M, W., K, S., KM, B., J, P., & …. (2019). Child sexual offenders show prenatal and epigenetic alterations of the androgen system. *Translational Psychiatry, 9*(1), Article 18. https://doi.org/10.1038/s41398-018-0326-0

Jean-Baptiste ALEXANIAN

Alexanian, J.-B. (2025). Agresseurs sexuels, pour comprendre. [Article de blog]. URL: https://www.youtube.com/watch?v=NNxj3SsHFyA

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