Le traitement pharmacologique du TDAH. On fait le point avec Samuele Cortese et sa review du NEJM!

Le TDAH et ses molécules : une symphonie pharmacologique
Imaginez un chef d’orchestre neuronal dont la baguette ne parviendrait plus à synchroniser les musiciens. Voilà peut-être ce qui se joue dans le cerveau des personnes atteintes de trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH). Dans sa review magistrale publiée dans le prestigieux New England Journal of Medicine, le Pr Samuele Cortese nous invite à explorer la pharmacopée de ce trouble qui touche jusqu’à 8% des enfants. Un voyage scientifique où les molécules deviennent des instruments pour réharmoniser les fonctions cognitives.
Les psychostimulants : vieux soldats de l’attention
Le méthylphénidate, cette molécule octogénaire autorisée dès 1955 par la FDA, reste l’étalon-or du traitement. Comme un métronome chimique, il rythme la disponibilité de la dopamine et de la noradrénaline dans les synapses. Cortese rappelle son efficacité impressionnante :
« 70 à 80% des patients répondent aux stimulants, avec une réduction symptomatique comparable à l’effet des lunettes sur la myopie »
Pourtant, cette puissance s’accompagne d’une partition d’effets secondaires – insomnies, perte d’appétit – comme autant de fausses notes dans le traitement. La France, conservatoire médical singulier, n’autorise que le méthylphénidate, laissant les amphétamines – pourtant largement utilisées outre-Atlantique – hors de sa pharmacopée.
L’autre voix : les non-stimulants
Pour les patients ne tolérant pas cette stimulation cérébrale, l’atomoxétine et les agonistes alpha-2 offrent une alternative en mezzo voce. Moins puissants mais mieux tolérés, ils agissent comme des chefs d’orchestre plus patients, réglant progressivement le tempo neuronal. Cortese souligne leur intérêt particulier chez les adultes ou ceux présentant des comorbidités anxieuses, où les stimulants pourraient exacerber l’inquiétude.
L’art de la prescription personnalisée
La review transforme la pharmacologie en véritable art thérapeutique. Il ne s’agit pas de prescrire, mais de composer un traitement sur mesure :
- L’âge comme clef de voûte : un enfant de 7 ans ne métabolise pas comme un adulte de 40 ans
- Les comorbidités en contrepoint : anxiété, troubles du sommeil ou addictions modulent le choix thérapeutique
- Le tempo de vie : un étudiant et un cadre n’ont pas les mêmes besoins attentionnels
Cette approche rappelle que derrière chaque molécule se cache une personne dont le cerveau écrit sa propre partition.
La France, terre de paradoxes
Alors que 5,56% des enfants américains reçoivent un traitement, la France reste frileuse, comme si elle craignait que ces molécules ne volent l’enfance à ses petits patients. Pourtant, les données présentées par Cortese montrent l’impact dramatique de l’abstention thérapeutique : échec scolaire, exclusion sociale, risques accrus d’accidents…
Vers une polyphonie thérapeutique
La review se fait plaidoyer pour une approche intégrative. Les médicaments ne sont que l’un des instruments de l’orchestre thérapeutique, devant s’accorder avec :
- Les thérapies comportementales (le violon des stratégies cognitives)
- Les aménagements pédagogiques (le violoncelle de l’école inclusive)
- L’éducation thérapeutique (la contrebasse du long terme)
Cortese appelle surtout à poursuivre la recherche, particulièrement sur le devenir à long terme des adultes traités depuis l’enfance. Une question cruciale alors que le TDAH n’est plus considéré comme un trouble purement pédiatrique.
Conclusion : soigner sans standardiser
La leçon principale de cette review pourrait se résumer ainsi : il n’existe pas de partition universelle pour le TDAH. Entre le conservatisme français et l’enthousiasme américain, entre stimulants et non-stimulants, entre médicaments et thérapies, le clinicien doit devenir un chef d’orchestre avisé, capable d’entendre la singularité de chaque patient. Comme le rappelle Cortese, derrière les statistiques impressionnantes d’efficacité se cachent toujours des individus dont le cerveau mérite plus qu’un traitement standardisé – une véritable écoute pharmacologique.
Référence scientifique
Cortese, S. (2020). Pharmacologic treatment of attention deficit–hyperactivity disorder. *New England Journal of Medicine, 383*(11), 1050–1056. https://doi.org/10.1056/nejmra1917069