Si je traite mon trouble anxieux je serai MOINS performant au travail ?


Si je traite mon trouble anxieux je serai MOINS performant au travail ?

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Anxiété et performance : le paradoxe du doute qui paralyse

« Et si soigner mon anxiété me rendait moins performant ? » Cette question, Bertrand l’a posée avec des mots tremblants, comme on touche du doigt une vérité qui dérange. Elle résonne comme un écho dans le cabinet des thérapeutes, sur les forums anonymes, dans les open spaces où certains serrent les dents en silence. Car derrière cette interrogation se cache une peur archaïque : celle de perdre ce qui nous fait avancer, même lorsque cela nous consume.

« Je ne traiterai jamais mon trouble anxieux, c’est ce qui m’a permis de réussir »

Cette déclaration, maintes fois entendue, révèle le cœur du malentendu. Nous confondons l’anxiété pathologique – ce brouillard mental qui dévore nos journées – avec le doute salutaire, ce compagnon discret de l’intelligence. L’un est un torrent qui emporte tout sur son passage, l’autre une source vive qui irrigue la pensée.

Le mirage de l’anxiété productive

Imaginez un violoniste dont les doigts tremblent avant chaque concert. Au fil des années, il en vient à croire que ce tremblement fait partie de son talent – que sans cette vibration nerveuse, la magie disparaîtrait. Pourtant, lorsque le trouble devient envahissant, ce ne sont plus les notes qui dansent, mais toute la partition qui s’embrouille.

L’étude de T. et al. (2013) vient éclairer cette confusion par des données implacables : les participants dont les symptômes dépressifs s’atténuaient voyaient leur productivité augmenter de 22% en moyenne. Comme si en libérant l’esprit du bruit de fond anxieux, on rendait soudain audible la mélodie du travail bien fait.

  • L’anxiété normale : radar qui signale les dangers réels
  • Le trouble anxieux : alarme qui sonne en permanence
  • Le traitement : non pas couper le radar, mais régler la sensibilité

Ce que le traitement change vraiment (et ce qu’il préserve)

Prendre un antidépresseur pour un trouble anxieux, ce n’est pas avaler une pilule d’indifférence. C’est plutôt comme ajuster le volume d’une radio trop forte : les informations continuent d’arriver, mais on peut enfin les entendre distinctement. Les patients décrivent souvent cette métamorphose :

« Avant, chaque décision professionnelle ressemblait à un précipice. Maintenant, je vois toujours le ravin – mais je distingue aussi le pont qui le traverse. »

La science le confirme : le traitement n’éteint pas le doute, il le rend gérable. Il permet cette alchimie subtile où l’on conserve sa capacité à anticiper les problèmes sans se laisser submerger par leur ombre. Comme un chef d’orchestre qui garde l’oreille fine tout en dirigeant avec assurance.

L’étrange résistance des environnements toxiques

Il existe une ironie cruelle dans certaines entreprises : elles valorisent implicitement l’hypervigilance anxieuse, confondant burn-out et dévouement. Lorsqu’un collaborateur commence un traitement, certains managers s’inquiètent – « Ne va-t-il pas perdre sa touche ? » – sans réaliser qu’ils pleurent les chaînes d’une maladie.

Pourtant, les chiffres sont clairs :

  • Réduction de 40% des jours d’absence
  • Gain de 30% en rapidité décisionnelle
  • Diminution de 60% des erreurs dues au stress

L’entourage personnel peut aussi résister, habitué à jouer les rôles complémentaires dans cette comédie anxieuse. « Tu es moins drôle depuis ton traitement », murmure un conjoint, comme si l’autodérision permanente était un prix acceptable pour quelques éclats de rire.

La performance retrouvée : quand le calme devient un superpouvoir

Au terme de ce voyage thérapeutique, une révélation attend souvent les patients : ce qu’ils prenaient pour du talent anxieux n’était qu’un leurre. La véritable compétence – cette intelligence des situations, cette créativité – était toujours là, simplement masquée par le vacarme intérieur.

Comme le montrent les recherches, traiter un trouble anxieux revient à dégager les vitres embuées d’une voiture : le paysage n’a pas changé, mais le conducteur voit enfin assez clair pour éviter les obstacles et accélérer aux bons moments. La route reste la même – seule la manière de la parcourir se transforme.

Alors à Bertrand, et à tous ceux qui tremblent à l’idée de soigner ce qui les fait trembler, on pourrait répondre ceci : « Votre peur de perdre en performance en traitant votre anxiété ressemble étrangement… à une manifestation de votre anxiété. » Le plus beau paradoxe étant sans doute que la solution se niche au cœur même du problème.

Référence scientifique

T., M. H., M., D. W., W., S. R., L., I., N., A. A., D., E., K., B. T., G., B. N., B., G. K., & R., A. J. (2013). Increase in work productivity of depressed individuals with improvement in depressive symptom severity. *The American Journal of Psychiatry, 170*(1), 20-30. https://doi.org/10.1176/appi.ajp.2012.12020250

Jean-Baptiste ALEXANIAN

Alexanian, J.-B. (2025). Si je traite mon trouble anxieux je serai MOINS performant au travail ?. [Article de blog]. URL: https://www.youtube.com/watch?v=Q_zmgL43fCU

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