L’énigme (a) de l’imagerie fonctionnelle dans le #TDAH

L’énigme des cerveaux mouvants : pourquoi l’imagerie bute sur le TDAH
Imaginez tenter de photographier un papillon en plein vol avec un appareil conçu pour des portraits en studio. Voilà le défi vertigineux que pose le TDAH à nos technologies d’imagerie cérébrale. Dans les laboratoires du monde entier, les neuroscientifiques se heurtent à une énigme persistante : pourquoi les cerveaux des personnes atteintes de trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité refusent-ils de livrer leurs secrets sous l’œil des IRM fonctionnelles ?
« Le TDAH n’est pas une maladie mais un trouble circonstantiel » – cette affirmation du Dr. Fous de Normandie pourrait bien contenir la clé du mystère.
Le mirage des biomarqueurs
Depuis trois décennies, la quête du « Saint Graal » neurobiologique du TDAH ressemble à une partie de cache-cache avec un adversaire insaisissable. Les méta-analyses pointent bien des anomalies dans le cortex préfrontal ou les ganglions de la base, mais ces découvertes ont la consistance d’un nuage – présentes un jour, absentes le lendemain. Comme le note Giedd (2019), cette variabilité n’est pas le signe d’une science défaillante, mais plutôt le reflet d’une réalité clinique complexe.
Prenons l’analogie d’une ville vue du ciel : certains jours, le trafic (notre activité neuronale) s’emballe sur les boulevards dorsolatéraux, d’autres fois c’est au niveau des échangeurs striataux que tout se bloque. Mais aucune de ces cartes aériennes ne permet de prédire où seront les bouchons demain. Le TDAH ne serait-il pas davantage une question de rythme que de structure ?
Le paradoxe du scanner
Quand la mesure altère ce qu’elle observe
Voici le nœud gordien : pour beaucoup de patients TDAH, l’expérience même de l’IRM fonctionnelle devient un biais insurmontable. Trois scénarios typiques :
- L’enfant fasciné par la machine, transformant l’examen en jeu stimulant
- L’adolescent angoissé par l’environnement clos, développant un stress parasite
- L’adulte s’efforçant désespérément de « bien faire », modifiant son fonctionnement naturel
Comme tenter d’étudier le sommeil sous des projecteurs aveuglants, la mesure devient alors contre-productive. Le Dr. Fous de Normandie suggère avec audace qu’il faudrait peut-être placer les sujets dans des conditions délibérément pénibles pour « révéler » le TDAH – proposition éthiquement épineuse qui souligne l’ampleur du problème.
Vers une neurodiversité contextuelle
Et si nous avions tout simplement mal posé le problème ? Les recherches récentes esquissent un changement de paradigme : le TDAH ne serait pas un « défaut » cérébral fixe, mais plutôt une manière spécifique d’interagir avec l’environnement. Certaines études EEG montrent par exemple que les mêmes enfants étiquetés « déficitaires » en classe deviennent des modèles d’attention soutenue lorsqu’on les plonge dans un jeu vidéo captivant.
Cette plasticité contextuelle expliquerait pourquoi les tentatives de classification binaire (cerveau TDAH vs non-TDAH) échouent si souvent. Comme un instrument de musique dont la justesse dépend de l’humidité ambiante, le cerveau TDAH répondrait à des logiques situationnelles que nos instantanés IRM peinent à saisir.
Conclusion : Repenser l’approche
L’énigme de l’imagerie fonctionnelle dans le TDAH nous renvoie peut-être moins aux limites de nos technologies qu’à celles de nos catégories diagnostiques. À l’heure où Samuel Cortez et d’autres pionniers explorent des modèles dimensionnels, une évidence s’impose : comprendre ce trouble exige de conjuguer neurosciences et phénoménologie, de marier les données d’imagerie avec le vécu subjectif des patients.
La solution ne viendra peut-être pas d’une machine plus puissante, mais d’une écoute plus fine – capable d’entendre, entre les pixels des IRM, la mélodie singulière de ces esprits toujours en mouvement. Après tout, n’est-ce pas dans l’interstice entre biologie et expérience que se niche la vérité humaine du TDAH ?
Référence scientifique
Giedd, J. (2019). The Enigma of Neuroimaging in ADHD. *American Journal of Psychiatry, 176*(12), 987-995. https://doi.org/10.1176/appi.ajp.2019.19050540