TDAH adulte : avec ou sans trouble, le cerveau reste « TDAH »


TDAH adulte : avec ou sans trouble, le cerveau reste « TDAH »

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Le TDAH adulte : quand le cerveau garde ses empreintes malgré l’absence de symptômes

Imaginez un fleuve qui, après des années de cours tumultueux, finit par trouver un lit plus paisible. En surface, l’eau semble calme, mais sous cette apparente sérénité, le fond garde les traces indélébiles de son ancien parcours. Le cerveau des adultes ayant eu un TDAH dans l’enfance fonctionne selon cette même logique géologique : les symptômes peuvent s’atténuer, mais l’architecture neuronale, elle, conserve ses particularités. Une récente étude publiée dans Transnational Psychiatry vient bousculer notre compréhension de ce trouble en révélant que les marqueurs cérébraux persistent même chez ceux qui ne répondent plus aux critères diagnostiques.

L’étude qui redéfinit les frontières du TDAH

L’équipe de recherche a adopté une approche comparative audacieuse en analysant trois groupes distincts à l’aide d’IRM fonctionnelles et structurales :

  • Des adultes sans antécédent de TDAH
  • Des adultes avec diagnostic persistant
  • D’anciens « TDAH » dont les symptômes se sont estompés

Les résultats dessinent une cartographie cérébrale surprenante. Comme l’explique le chercheur derrière la chaîne Les Fous de Normandie :

« Sur certains paramètres neurophysiologiques, il devient impossible de distinguer un adulte avec TDAH actif d’un ancien TDAH. Le cerveau garde ses caractéristiques originelles, comme une signature biologique invisible. »

Une neurobiologie qui résiste au temps

L’étude met en lumière des altérations persistantes dans les réseaux de contrôle exécutif, ces autoroutes neuronales qui régissent notre attention et notre impulsivité. Ces différences structurales ressemblent à des voies ferrées dont les rails auraient été posés selon un plan différent dès l’origine. Même si le train circule désormais sans accident (disparition des symptômes), l’infrastructure, elle, n’a pas fondamentalement changé.

Le paradoxe du diagnostic : quand le trouble disparaît mais pas le cerveau

Cette découverte ouvre une brèche dans notre conception binaire du TDAH. Nous ne serions pas face à un interrupteur « malade/sain », mais plutôt devant un continuum neurodéveloppemental. Le chercheur souligne avec justesse :

« Le fonctionnement cognitif des TDAH n’est pas intrinsèquement pathologique. Il ne le devient qu’en collision avec un environnement inadapté. »

Prenons l’analogie d’un ordinateur : certains processeurs sont optimisés pour le multitâche rapide au détriment de la concentration prolongée. Dans un contexte professionnel exigeant de longs rapports (environnement « Windows »), cette configuration devient handicapante. Mais dans un métier créatif nécessitant des sauts d’attention constants (environnement « MacOS »), elle se transforme en atout.

La plasticité environnementale plutôt que la guérison

Les adultes « anciens TDAH » ne connaissent pas une disparition miraculeuse de leur neurobiologie. Ils ont probablement :

  • Trouvé des niches écologiques professionnelles et personnelles adaptées
  • Développé des stratégies compensatoires efficaces
  • Bénéficié d’une maturation frontale atténuant certains traits

Leur cerveau, lui, continue de fonctionner selon ses schémas originels – simplement, ces particularités ne génèrent plus de souffrance cliniquement significative.

Implications : vers une approche neurodiverse du TDAH

Ces conclusions invitent à repenser radicalement notre approche du TDAH adulte. Plutôt que de viser une normalisation illusoire, ne devrions-nous pas :

1. Reconnaître la persistance biologique

Même en rémission symptomatique, le cerveau conserve ses spécificités. Cette permanence suggère que les interventions devraient s’inscrire dans la durée, bien au-delà de la disparition des critères diagnostiques.

2. Adapter les environnements plutôt que seulement les individus

Comme le souligne l’auteur de la vidéo :

« La pathologie n’est pas dans la personne, mais dans la rencontre entre cette neurobiologie et un contexte donné. »

Cette perspective appelle à créer des espaces professionnels et éducatifs accueillant cette diversité cognitive.

3. Abandonner le modèle déficitaire

Le terme même de « trouble » déficitaires de l’attention devient problématique. Ne devrait-on pas parler de « profil attentionnel alternatif » ou de « neurotype TDAH », comme on évoque les neurotypes autistiques ?

Conclusion : le TDAH comme façon d’être au monde

Cette étude agit comme un révélateur photographique : elle montre ce qui était déjà là mais restait invisible à l’œil clinique conventionnel. Le cerveau TDAH, même lorsque les symptômes s’atténuent, continue de penser, de traiter l’information et d’interagir avec le monde selon ses propres codes.

Peut-être faut-il voir le TDAH comme ces arbres poussant dans des conditions hostiles, qui développent des racines asymétriques et des formes tourmentées. Transplantés dans un sol plus accueillant, ils cessent de souffrir sans pour autant perdre leur singularité architecturale. Notre défi ? Créer suffisamment de sols fertiles pour que chaque neurotype puisse s’épanouir sans avoir à se normaliser.

Comme le conclut si bien le chercheur :

« Il est absurde de penser que le TDAH disparaît. Il apprend simplement, parfois, à ne plus faire mal. »

Une leçon d’humanité qui dépasse largement le cadre de la psychiatrie.

Référence scientifique

Proal, E., Reiss, P. T., Klein, R. G., Mannuzza, S., Gotimer, K., Ramos-Olazagasti, M. A., … & Castellanos, F. X. (2019). Brain differences in adults with attention deficit hyperactivity disorder (ADHD) who remit and persist. *Translational Psychiatry, 9*(1), 46. https://doi.org/10.1038/s41398-019-0469-7

Jean-Baptiste ALEXANIAN

Alexanian, J.-B. (2025). TDAH adulte : avec ou sans trouble, le cerveau reste « TDAH ». [Article de blog]. URL: https://www.youtube.com/watch?v=U1Ov9I5KRQY

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