Le Syndrome Gilles de la Tourette est un TIC


Le Syndrome Gilles de la Tourette est un TIC

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Gilles de la Tourette : quand les gènes brouillent les frontières nosographiques

Imaginez un orchestre où chaque musicien jouerait sa partition en sourdine, sauf un violoniste qui s’obstinerait à grincer des notes aiguës. Le syndrome de Gilles de la Tourette (SGT) ressemble à cette cacophonie neuronale : un défaut d’inhibition où les tics – ces mouvements ou vocalisations involontaires – deviennent les solistes indésirables de la symphonie cérébrale. Une récente étude parue dans l’American Journal of Psychiatry vient bousculer notre compréhension de ce trouble en révélant qu’il partage sa partition génétique avec les tics ordinaires. Et si la frontière entre les deux n’était qu’une question d’intensité ?

L’ADN derrière la scène : une polyphonie génétique complexe

L’étude GWAS (pour Genome-Wide Association Study) a scruté le génome de milliers de patients comme un archéologue traquant des artefacts enfouis. Ses découvertes ? Plusieurs loci – ces régions chromosomiques suspectes – dont l’un, situé sur le chromosome 13, semble jouer un rôle-clé. Mais attention : contrairement à une mélodie simple, le SGT est une composition polygénique. Chaque gène ajoute une note discrète à la partition du risque, comme autant de musiciens contribuant à un crescendo pathologique.

« Le syndrome de Gilles de la Tourette n’est pas une entité extraterrestre, mais bien un trouble des tics parmi d’autres – simplement plus intense. »

Les gènes identifiés orchestrent principalement deux processus : le développement des circuits neuronaux et la modulation des neurotransmetteurs. On y trouve des acteurs familiers de la neuropsychiatrie – dopamine en tête –, ce qui explique les chevauchements fréquents avec le TDAH ou les TOC. Comme si le cerveau, face à ces variations génétiques, improvisait des symptômes selon des motifs récurrents.

Tics et SGT : une même famille, des expressions variables

Voici la révolution conceptuelle portée par cette recherche : le score polygénique du SGT prédit aussi… la survenue de tics banaux. Autrement dit, la biologie ne distingue pas radicalement un enfant qui cligne des yeux sous l’effet du stress d’un autre criant des obscénités malgré lui. La différence ? Une question de degré, comme un même thème musical joué pianissimo ou fortissimo.

Cette continuité éclaire d’un jour nouveau la nosographie psychiatrique. Classer le SGT à part reviendrait à isoler l’orage du continuum des précipitations sous prétexte qu’il tonne plus fort. Pourtant, nuage et tempête partagent la même physique – ici, celle des circuits cortico-striataux en roue libre.

Implications cliniques : vers une médecine des nuances

Ces découvertes ouvrent trois perspectives majeures :

  • Déstigmatisation : comprendre que les tics relèvent d’une vulnérabilité biologique (et non d’un « manque de volonté ») change tout pour les patients.
  • Prévention : identifier précocement les profils génétiques à risque permettrait d’adapter les stratégies thérapeutiques.
  • Traitements : cibler les voies moléculaires communes (comme la signalisation dopaminergique) pourrait bénéficier à toute la gamme des troubles tics.

Reste une énigme : pourquoi certains développent-ils un SGT floride quand d’autres n’expriment que de discrets tics transitoires ? La réponse se niche probablement dans l’interaction entre ces gènes et l’environnement – le stress jouant le rôle de chef d’orchestre déréglant la symphonie.

Conclusion : réhabiliter la complexité

Cette étude nous invite à voir le syndrome de Gilles de la Tourette non comme une anomalie exotique, mais comme une variation extrême d’un spectre qui nous concerne tous. À l’ère de la médecine personnalisée, elle rappelle une évidence trop souvent oubliée : derrière chaque étiquette diagnostique se cache une infinité de nuances biologiques. Comme le disait le neurologue Oliver Sacks, « la maladie est une histoire, pas seulement une liste de symptômes ». Et celle du SGT s’écrit en lettres génétiques – mais jamais sans l’encre de l’expérience humaine.

Référence scientifique

D, Y., JH, S., F, T., MS, N., AY, H., I, Z., C, I., L, O., SM, D., ME, H., E, G., KR, M., M, S., Y, D., G, R., H, A., M, S., M, S., P, S., CL, B., & …. (2019). Interrogating the genetic determinants of Tourette’s syndrome and other tic disorders through genome-wide association studies. *The American Journal of Psychiatry, 176*(3), 217-226. https://doi.org/10.1176/appi.ajp.2018.18070857

Jean-Baptiste ALEXANIAN

Alexanian, J.-B. (2025). Le Syndrome Gilles de la Tourette est un TIC. [Article de blog]. URL: https://www.youtube.com/watch?v=8hUCvZIKUGg

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