Les écrans : 1 à 2 heures par jour c’est mieux que zéro ?


Les écrans : 1 à 2 heures par jour c’est mieux que zéro ?

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Les écrans : l’étrange alchimie de la modération

Nous vivons une époque schizophrène. D’un côté, les écrans sont devenus nos prolongements numériques, ces fenêtres ouvertes sur le savoir et la connexion. De l’autre, ils incarnent le mal moderne, ces vampires du temps et de l’attention. Entre ces deux extrêmes, une étude récente vient troubler les certitudes : et si la dose faisait tout ? Et si, contre toute attente, un à deux heures d’écran quotidien valaient mieux que l’abstinence totale ?

Le paradoxe du U : quand trop et trop peu se rejoignent

Imaginez une corde à sauter. Trop lâche, elle traîne au sol. Trop tendue, elle risque de casser. Le temps d’écran fonctionne sur ce même principe de tension optimale, comme l’a révélé l’étude « How Much Is Too Much? » menée auprès de 4 524 jeunes américains. Les données dessinent une courbe en U éloquente :

  • À gauche du U : les enfants privés d’écrans présentent des scores de bien-être inférieurs
  • Au creux du U (1-2 heures) : le sweet spot où le bien-être psychosocial culmine
  • À droite du U : la chute progressive au-delà de 4 heures d’exposition

« La nature n’aime pas les extrêmes », écrivait Montesquieu. Les écrans semblent obéir à cette même sagesse – ni abstinence ni orgie, mais cette juste mesure qui défie nos penchants manichéens.

L’abstinence, cette fausse vertu

Voilà qui bouscule le dogme du « zéro écran ». Comme un vin trop précieux qu’on garderait au cellier sans jamais le déguster, la privation totale priverait les jeunes d’occasions de développement. Les écrans modérés serviraient de :

  • Passerelles sociales : langages communs, références culturelles partagées
  • Gymnases cognitifs : jeux stratégiques stimulant la résolution de problèmes
  • Fenêtres sur le monde : accès à des connaissances et perspectives diversifiées

Le psychiatre derrière l’analyse YouTube compare cela aux recommandations alimentaires : « Personne ne préconise le jeûne complet pour éviter le sucre. Pourquoi appliquer cette logique aux écrans ? »

Au-delà du chronomètre : le contexte, ce grand oublié

Mais réduire la question aux seules heures quotidiennes serait comme juger un livre à son nombre de pages. L’étude souligne l’urgence d’examiner :

  • La qualité des contenus (créatif vs passif)
  • L’encadrement parental (co-utilisation vs abandon numérique)
  • Les moments d’usage (le soir volant du sommeil vs le matin stimulant)

Une heure à coder sur Scratch n’équivaut pas à une heure de défilement compulsif sur les réseaux sociaux. Pourtant, nos recommandations actuelles traitent ces expériences comme interchangeables – aveuglement aussi grossier que de confondre un repas gastronomique avec un fast-food.

L’art délicat de la prescription numérique

Face à ces nuances, comment ajuster notre boussole ? Trois principes émergent :

  1. Bannir les chiffres magiques : les fameuses « 30 minutes max » relèvent plus de la superstition que de la science
  2. Personnaliser les doses : comme avec les médicaments, la tolérance varie selon l’âge et la personnalité
  3. Privilégier l’éducation aux interdits : apprendre à naviguer plutôt que construire des murs

Le chercheur intervieweur rappelle avec humour : « Exiger zéro écran avant 3 ans, c’est comme exiger zéro chute avant d’apprendre à marcher. La vie comporte des risques – notre rôle est d’apprendre à les gérer, pas à les éliminer. »

Conclusion : vers une hygène numérique raisonnée

Cette étude sonne comme un rappel salutaire : dans notre croisade contre les écrans, nous avons peut-être jeté le bébé avec l’eau du bain. À l’ère numérique, le vrai défi n’est pas d’éteindre les écrans, mais d’apprendre à danser avec eux – en trouvant ce rythme où ils nourrissent sans étouffer, connectent sans isoler.

Comme pour le chocolat ou la lumière du soleil, la magie opère dans cet équilibre fragile où la dose transforme le poison en remède. Reste maintenant à écrire, ensemble, le mode d’emploi de cette modération salvatrice.

Référence scientifique

Poulain, A. K., Otte, A., & Wendt, N. (2020). How much is too much? Examining the relationship between digital screen engagement and psychosocial functioning in a confirmatory cohort study. *Journal of the American Academy of Child and Adolescent Psychiatry, 59*(1), 58-67. https://doi.org/10.1016/j.jaac.2019.06.017

Jean-Baptiste ALEXANIAN

Alexanian, J.-B. (2025). Les écrans : 1 à 2 heures par jour c’est mieux que zéro ?. [Article de blog]. URL: https://www.youtube.com/watch?v=HcXrDUHmX18

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