La fin des diagnostics Psychiatrique a l’ancienne ?


La fin des diagnostics Psychiatrique a l’ancienne ?

Illustration pour La fin des diagnostics Psychiatrique a l’ancienne ?

La psychiatrie à l’heure de la révolution génétique : vers l’effondrement des vieilles catégories ?

Imaginez un botaniste qui classerait les fleurs uniquement par leur couleur, ignorant la structure de leurs pétales ou la forme de leurs feuilles. Cette approximation grossière ressemble étrangement à notre manière actuelle de diagnostiquer les troubles psychiatriques. Une étude suédoise publiée dans le JAMA vient secouer les fondations de la psychiatrie traditionnelle, révélant que nos diagnostics « à l’ancienne » pourraient bien appartenir au siècle dernier.

Le grand mirage des catégories psychiatriques

Depuis des décennies, le DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) fait office de bible pour les psychiatres. Un système commode, certes, mais qui repose sur un postulat fragile : que la schizophrénie, le trouble bipolaire ou l’autisme seraient des entités distinctes, séparables par des listes de symptômes soigneusement délimitées. Comme si l’esprit humain se laissait apprivoiser par des cases administratives.

« La génétique en psychiatrie n’est pas associée à une maladie ou très très peu… elle est associée à des traits, à des dimensions »

L’étude menée sur 25 000 jumeaux suédois pulvérise cette illusion. Les chercheurs ont découvert que les marqueurs génétiques ne correspondent pas aux grandes catégories diagnostiques, mais plutôt à des traits transdiagnostiques : une prédisposition aux hallucinations ici, une tendance à l’irritabilité là, comme autant de fils entremêlés tissant la complexité de chaque individu.

La génétique, miroir de notre complexité psychique

Imaginez le génome comme une immense partition musicale. Les diagnostics traditionnels voudraient que chaque trouble corresponde à un morceau spécifique – une sonate pour la dépression, un concerto pour la schizophrénie. La réalité ressemble plutôt à un gigantesque orchestre où les mêmes motifs mélodiques reviennent, s’entrecroisent, se répondent d’une œuvre à l’autre.

L’étude révèle trois enseignements majeurs :

  • Les mêmes variants génétiques influencent des troubles différents
  • Les symptômes spécifiques (comme les idées délirantes) ont une signature génétique plus nette que les diagnostics globaux
  • Les frontières entre troubles sont bien plus poreuses qu’on ne l’imaginait

Cette découverte explique pourquoi la quête du « gène de l’autisme » ou de la « mutation bipolaire » s’est souvent soldée par des impasses. C’est comme chercher l’origine unique d’un tableau de Monet en analysant séparément chaque touche de peinture.

Vers une psychiatrie dimensionnelle

Si les catégories traditionnelles vacillent, vers quel nouveau paradigme se tourner ? Les auteurs plaident pour une approche dimensionnelle, cartographiant chaque patient selon un spectre de traits plutôt qu’en l’enfermant dans un diagnostic binaire. Une révolution comparable au passage de l’astrologie à l’astronomie.

Concrètement, cela signifie :

  • Évaluer séparément chaque dimension (cognition, humeur, perception…)
  • Identifier les combinaisons de traits propres à chaque individu
  • Adapter les traitements à cette signature personnelle plutôt qu’à une étiquette diagnostique

Cette approche expliquerait pourquoi deux patients avec le même diagnostic répondent si différemment aux traitements. Ils partageraient une étiquette, mais pas nécessairement les mêmes mécanismes sous-jacents.

Les ombres au tableau

Cette révolution prometteuse ne va pas sans écueils. L’étude présente plusieurs limites :

  • Un échantillon exclusivement suédois, limitant la généralisation
  • L’absence de prise en compte des facteurs environnementaux
  • La complexité à traduire ces découvertes en pratique clinique

Et surtout, une question vertigineuse : comment concilier cette approche ultra-individualisée avec les nécessités de la recherche et de la santé publique ? Comment classer, comparer, évaluer sans catégories communes ?

L’aube d’une nouvelle psychiatrie

Nous sommes peut-être témoins d’un changement de paradigme comparable à la révolution copernicienne. Les diagnostics psychiatriques, tels des constellations arbitraires tracées sur la voûte céleste, laisseraient place à une cartographie plus fidèle de la complexité humaine.

Cette transition ne se fera pas sans heurts. Elle remet en question des décennies de pratique, des manuels entiers, des parcours de soins établis. Mais elle porte une promesse : celle d’une psychiatrie enfin à l’écoute de l’infinie variété des esprits, plutôt que de leurs étiquettes.

Comme le soulignent les chercheurs, la science progresse en remettant ses certitudes en question. La psychiatrie de demain sera-t-elle capable de ce courage intellectuel ? La réponse se joue peut-être dans ces données génétiques suédoises, qui murmurent à notre médecine qu’il est temps de grandir.

Référence scientifique

Torkamani, M. J., Mavromatis, J., Lee, Y., Baek, I., Lim, S., Lee, H., & Lee, P. (2019). Association of genetic risk factors for psychiatric disorders and traits of these disorders in a Swedish population twin sample. *JAMA Psychiatry, 76*(3), 280-289. https://doi.org/10.1001/jamapsychiatry.2018.3652

Jean-Baptiste ALEXANIAN

Alexanian, J.-B. (2025). La fin des diagnostics Psychiatrique a l’ancienne ?. [Article de blog]. URL: https://www.youtube.com/watch?v=rBqd8Y-ovhU

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