Le diagnostic de TDAH : comment mieux faire ? Merci Samuele Cortese !

Le TDAH, ce caméléon clinique : repenser le diagnostic avec Samuele Cortese
Imaginez un puzzle dont les pièces changeraient de forme selon la lumière, l’humeur du moment ou le regard de celui qui l’observe. Le Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH) présente cette insaisissable complexité, comme le révèlent les travaux du Pr Samuele Cortese. Dans une étude aussi rigoureuse que troublante, ce chercheur démontre que notre approche diagnostique actuelle ressemble trop souvent à un filet aux mailles irrégulières – laissant échapper certains profils tout en capturant arbitrairement d’autres.
116 200 visages et pas un diagnostic identique
Le DSM-5, bible américaine de la psychiatrie, découpe le TDAH en deux dimensions : inattention d’un côté, hyperactivité-impulsivité de l’autre. Mais cette dichotomie cache une réalité vertigineuse. Cortese et son équipe ont calculé pas moins de 116 200 combinaisons symptomatiques possibles répondant aux critères officiels. Une variabilité confirmée par une étude brésilienne sur 189 enfants : 173 profils uniques, soit 92% de singularités. Seuls 8% partageaient exactement la même configuration.
« C’est comme si nous tentions de classer les nuages selon leur forme : juste au moment où vous croyez identifier un cumulus, il se métamorphose en cirrus »
Cette hétérogénéité devient criante lorsqu’on observe les parcours cliniques. Un enfant peut cumuler dix symptômes sévères mais échapper au diagnostic parce qu’ils sont mal répartis entre les deux catégories. À l’inverse, d’autres franchissent le seuil diagnostique avec des manifestations plus légères mais mieux distribuées. Une logique mathématique qui peine à refléter la réalité des souffrances.
Le mirage des frontières nettes
Trois couches de complexité viennent brouiller encore le tableau :
- Les comorbidités : 70 à 80% des patients présentent au moins un trouble associé (anxiété, dépression, TSA…), créant autant de déclinaisons cliniques
- La variabilité contextuelle : Un même enfant peut être concentré en maths avec un professeur qu’il apprécie, puis devenir ingérable avec son remplaçant
- Les biais d’observation : Les échelles d’évaluation divergent fréquemment entre l’école et la maison, comme si l’on décrivait deux enfants différents
Cette instabilité symptomatique rappelle ces dessins animés où le personnage prend l’apparence de ce qu’il traverse – liquide dans une éprouvette, élastique entre deux mains. Le TDAH n’est pas un état fixe, mais une interaction dynamique entre une neurobiologie singulière et un environnement changeant.
Vers une cartographie sensible du TDAH
Face à ce constat, Cortese plaide pour une révolution méthodologique. Son analyse systématique comparant DSM-5 et CIM-11 pointe trois chantiers prioritaires :
1. Briser le monopole du comportement observable
Intégrer des marqueurs neurocognitifs (tests d’inhibition, mémoire de travail) et biologiques (génétique, imagerie cérébrale) pour compléter les questionnaires subjectifs. Comme un détective qui croiserait témoignages et preuves matérielles.
2. Former à la lecture des nuances
Les biais de genre (sous-diagnostic chez les filles) et les faux positifs en contexte non structuré exigent des cliniciens une oreille exercée à entendre les silences – ces symptômes qui ne correspondent pas aux stéréotypes.
3. Cartographier le quotidien
Plutôt qu’un instantané clinique, Cortese suggère des évaluations longitudinales croisant les observations sur plusieurs mois, dans différents cadres de vie. Une approche cinématographique plutôt que photographique.
Diagnostiquer sans étiqueter
L’enjeu dépasse la simple technique diagnostique. Derrière chaque « cas » se cache une personne dont le parcours sera profondément influencé par ce moment clé. Comme le souligne Cortese, l’objectif n’est pas de multiplier les diagnostics, mais de les rendre assez précis pour guider des interventions sur mesure.
Peut-être faudrait-il s’inspirer de la météorologie, qui ne réduit pas un orage à sa définition technique, mais en décrit les manifestations concrètes : direction, intensité, durée, territoires affectés. Après tout, nul besoin de compter les éclairs pour savoir qu’il pleut – mais reconnaître la spécificité de chaque averse permet de mieux s’y préparer.
Les travaux de Samuele Cortese tracent ainsi une voie médiane : refuser tant le laxisme diagnostique que le carcan nosographique. Un appel à considérer le TDAH non comme une case administrative, mais comme une signature neurologique unique – à déchiffrer avec autant de rigueur que d’humanité.
Référence scientifique
Cortese, S. (s. d.). *Le diagnostic de TDAH : comment mieux faire ?* The Lancet Child & Adolescent Health. Advance online publication. https://www.thelancet.com/journals/lanchi/onlineFirst
*Note : La référence est incomplète car les détails (année, volume, numéro, pages) manquent dans la source fournie. Une vérification directe sur le site du journal est recommandée pour obtenir les métadonnées exactes.*