DATAGUEULE VS SCIENCE : deuxième Round. « La came isole ». Dépression, stop aux FAKENEWS


DATAGUEULE VS SCIENCE : deuxième Round. « La came isole ». Dépression, stop aux FAKENEWS

Illustration pour DATAGUEULE VS SCIENCE : deuxième Round. « La came isole ». Dépression, stop aux FAKENEWS

DATAGUEULE VS SCIENCE : Le duel des antidépresseurs sous la loupe

Imaginez un combat de boxe où, dans un coin, se tient la rigueur scientifique avec ses gants blancs d’études randomisées, et dans l’autre, une rhétorique tapageuse brandissant des graphiques comme des couteaux de foire. Le ring ? Notre compréhension collective de la dépression. L’enjeu ? Des vies. Dans ce deuxième round épique entre DataGueule et la communauté scientifique, les antidépresseurs jouent les rôles tantôt de sauveurs, tantôt de bourreaux chimiques. Mais où se niche la vérité entre ces récits diamétralement opposés ?

La camisole des mots : quand le langage précède la science

« La came isole » : le titre claque comme un slogan de manifeste. Entre le jeu de mots sur la camisole chimique et les visuels de médicaments stylisés, le ton est donné avant même le premier argument. Cette entrée en matière n’est pas sans rappeler ces vieux films où l’asile psychiatrique servait de décor à toutes les terreurs. Problème : nous ne sommes pas dans un scénario de cinéma, mais dans le réel douloureux de millions de patients.

« Si les symptômes sont dans la tête, les bénéfices sont dans la poche »

Cette phrase extraite du documentaire fonctionne comme un coup de poing rhétorique. Mais sous son apparente clarté se cache un sophisme vieux comme les théories du complot : la réduction d’un phénomène complexe à une simple histoire de cupidité. Comme si prescrire un antidépresseur équivalait à tirer le levier d’une machine à sous pharmaceutique.

Ce que disent vraiment les données : un paysage en nuances de gris

La science, contrairement aux récits manichéens, avance en terrain accidenté. Prenons trois études clés qui dessinent un tableau bien plus subtil que ne le laisse entendre le documentaire :

  • L’étude de Cipriani (2018) : Cette méta-analyse monumentale portant sur 21 antidépresseurs et 116 477 patients montre une supériorité nette des molécules sur le placebo… mais avec des variations notables entre elles. Comme comparer des couteaux suisses dont certains lames couperaient mieux que d’autres.
  • Les travaux de Dragioti (2019) : Ils alertent sur des risques réels – mortalité accrue, événements cardiovasculaires – tout en reconnaissant que ces effets indésirables ne frappent pas uniformément tous les patients. Un rappel que chaque prescription devrait être un calcul bénéfice-risque sur mesure.
  • La recherche de Hieronymus (2019) : Elle pointe un fait crucial – l’efficacité des ISRS semble proportionnelle à la sévérité initiale des symptômes. Autrement dit, ces molécules ne seraient pas des « bonbons du bonheur » pour états d’âme passagers, mais bien des béquilles chimiques pour fractures de l’âme.

Ces données ne s’annulent pas mutuellement – elles se complètent comme les pièces d’un puzzle clinique complexe. La vraie question n’est pas « les antidépresseurs sont-ils bons ou mauvais ? », mais plutôt « pour qui, à quelle dose, et sous quel suivi ? ».

Le piège du cherry picking : ces cerises qui étouffent la vérité

Le documentaire tombe dans un écueil classique de la vulgarisation polémique : le cherry picking. Cette pratique consiste à cueillir uniquement les études qui confirment sa thèse, comme un enfant ne sélectionnerait que les bonbons bleus dans un mélange. Or, la science se nourrit justement de cette diversité de résultats.

Prenez l’exemple des sans-abri, population particulièrement vulnérable aux troubles mentaux (Schreiter, 2017). Leur refuser a priori un traitement sous prétexte que « les médicaments isolent », c’est peut-être les priver d’un premier pas vers la reconstruction. À l’inverse, prescrire massivement des ISRS pour des dépressions légères reviendrait à utiliser un marteau-piqueur pour planter un clou.

La subtilité réside dans cet entre-deux thérapeutique que ni les slogans chocs ni les discours marketing ne savent capturer.

Pour une éthique de la nuance : au-delà du duel médiatique

Le véritable enjeu dépasse ce match DataGueule vs Science. Il touche à notre façon collective d’aborder la souffrance psychique dans l’espace public. D’un côté, la diabolisation des traitements peut dissuader des patients en détresse de chercher de l’aide. De l’autre, leur banalisation excessive risque de médicaliser des variations normales de l’humeur.

Peut-être faudrait-il imaginer un nouveau langage, aussi éloigné de l’enthousiasme béat que du catastrophisme systématique. Un langage qui reconnaîtrait à la fois :

  • Les limites réelles de certains traitements
  • Leur utilité indéniable dans des cas précis
  • La nécessité absolue d’un accompagnement global (thérapie, environnement social, etc.)

Comme le disait le psychiatre Ronald D. Laing : « La folie n’est pas nécessairement le naufrage. Elle peut être aussi une libération. » À nous de faire en sorte que ce potentiel de libération ne soit ni entravé par des camisoles chimiques imaginaires, ni noyé dans des océans de molécules inappropriées. La science, quand on l’écoute vraiment, nous murmure cette voie étroite.

Référence scientifique

Schreiter, S., Bermpohl, F., Krausz, M., Leucht, S., Rössler, W., Schouler-Ocak, M., & Gutwinski, S. (2017). The prevalence of mental illness in homeless people in Germany. *Deutsches Ärzteblatt International, 114*(40), 665–672. https://doi.org/10.3238/arztebl.2017.0665

Jean-Baptiste ALEXANIAN

Alexanian, J.-B. (2025). DATAGUEULE VS SCIENCE : deuxième Round. « La came isole ». Dépression, stop aux FAKENEWS. [Article de blog]. URL: https://www.youtube.com/watch?v=TnESeQFB7NM

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