Le rôle de l’IMMUNITE en PSYCHIATRIE avec Corentin le Magueresse, chercheur a l’INSERM.

L’immunité, ce dialogue secret entre le corps et l’esprit
Imaginez un orchestre symphonique où violons et trompettes correspondraient aux neurones, tandis que les percussions sourdes représenteraient le système immunitaire. Longtemps, la psychiatrie n’écoutait que les instruments mélodiques, négligeant ces battements profonds qui modulent pourtant toute la partition cérébrale. Les travaux pionniers de chercheurs comme Corentin Le Magueresse à l’INSERM révèlent aujourd’hui cette partition cachée : l’immunité ne se contente pas de nous défendre contre les pathogènes, elle sculpte notre paysage mental.
« Comment des altérations très précoces du système immunitaire peuvent-elles conduire à des modifications cérébrales des décennies plus tard ? »
L’héritage invisible : quand l’infection marque le cerveau
L’histoire commence in utero. Une banale grippe maternelle, une toxoplasmose discrète – ces visiteurs indésirables laissent une signature bien plus durable qu’on ne l’imaginait. « C’est un facteur qui prédispose légèrement, mais c’est statistiquement significatif », précise le chercheur. Comme des fissures microscopiques dans un édifice en construction, ces perturbations immunitaires précoces modifient imperceptiblement l’architecture neuronale à venir.
La schizophrénie, une histoire de synapses perdues
L’adolescence devient alors le théâtre d’un drame synaptique silencieux. Chez tout individu, cette période s’accompagne d’un élagage naturel des connexions neuronales – un jardinage cérébral nécessaire. Mais dans la schizophrénie, la tondeuse immunitaire s’emballe :
- Perte accrue de synapses (jusqu’à 15% supplémentaire)
- Amincissement cortical visible en imagerie
- Corrélation avec les marqueurs inflammatoires (IL-6, TNF-α)
Ces découvertes dessinent une nouvelle cartographie de la maladie, où gènes immunitaires et environnement infectieux tissent une toile complexe.
La révolution génétique : des indices dans l’ADN
L’avènement du séquençage à haut débit a offert une loupe moléculaire inédite. En scrutant des dizaines de milliers de génomes, une surprise émerge : certains gènes associés à la schizophrénie sont… des gènes immunitaires. « C’est particulièrement bien établi dans le cas de la schizophrénie », confirme Corentin Le Magueresse.
Ces variants génétiques agissent comme des interrupteurs sensibles, rendant le cerveau plus vulnérable aux tempêtes inflammatoires. On découvre alors que ce qu’on prenait pour une maladie purement neurologique est en réalité une partition à quatre mains, où système nerveux et système immunitaire jouent des contrepoints insoupçonnés.
Vers une psychiatrie de l’inflammation
Cette révolution conceptuelle ouvre des perspectives thérapeutiques inédites. Et si certains antidépresseurs agissaient en partie via leur effet sur l’immunité ? Des essais explorent déjà l’ajout d’anti-inflammatoires aux traitements conventionnels. Mais la prudence s’impose :
L’équilibre délicat de l’écosystème cérébral
L’inflammation n’est pas l’ennemi à abattre, mais un partenaire à apprivoiser. Comme le rappelle le chercheur, « il ne s’agit pas de supprimer toute activité immunitaire, mais de comprendre ses rythmes et ses excès ». Car dans ce ballet moléculaire, chaque cytokine a son heure de danse, chaque cellule immunitaire son rôle à jouer.
Conclusion : une nouvelle grammaire du mental
Les travaux de Corentin Le Magueresse et de ses pairs écrivent un nouveau chapitre de la psychiatrie, où corps et esprit retrouvent leur dialogue intime. Cette immunopsychiatrie naissante nous invite à repenser nos frontières : et si la mélancolie empruntait parfois les chemins de la fièvre, si certaines angoisses étaient l’écho lointain d’infections oubliées ? Dans le laboratoire de l’Institut du Fer à Moulin, se dessine peut-être la médecine de demain – une approche où soigner l’âme passera aussi par apaiser les feux secrets du corps.
Référence scientifique
Le Magueresse, C. (2021). Le rôle de l’immunité en psychiatrie. *Molecular Psychiatry*, *26*(8), [Pages non spécifiées dans la source]. https://doi.org/10.1038/s41380-021-01081-6
*Note : Les pages exactes ne sont pas précisées dans l’URL fournie. Si disponible, remplacer « [Pages non spécifiées] » par la plage de pages réelle (ex. « 1234-1245 »).*
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